samedi 21 septembre 2013

les émigrants européens: Les anglais

Après vous avoir parlé des immigrants provenant de France, Russie, du Piémont, de Suisse en Uruguay de la fin du XIXe au début XXe siècle (voir ma section à droite), nous allons parler des anglais car quelle partie de ce monde n’a pas eu la visite de nos amis anglais? Ils furent (et le sont toujours) des globe-trotteurs et donc furent une pièce maîtresse en Amérique du sud surtout point de vue investissements et entrepreneuriats.

Mais il faut reconnaître que le pays qui recevra le plus d’apport de la part des anglais fut l’Argentine avant l’Uruguay. Cependant, en considérant la taille du pays, les uruguayens n'ont pas à rougir.

Si vous vous promenez dans les rues de Montevideo, vous remarquerez à droite et à gauche quelques noms de rue portant un nom anglais comme les avenues Lord Ponsonby et Jorge (George) Canning. Deux avenues qui se trouvent dans le centre-ville (Barrio Parque Battle) et qui sont assez jolies car bordées de superbes arbres.

Une autre trace de la présence anglaise en Uruguay est quelques noms de famille à consonance anglaise dans cette marée de noms de famille d’origine italienne, espagnole et dans une moindre mesure française.


Nos sujets britanniques ont joué un rôle crucial dans l'indépendance économique du pays, l'introduction du capitalisme et le passage à la modernité dans certains domaines (surtout les domaines où ils savaient qu'ils allaient engranger de l'argent). Et puis cerise sur le gâteau, ce sont eux qui introduiront le football dans ce pays. Tradition qui est devenue une passion pour la plupart des uruguayens bien sûr!

Le développement a plus ou moins commencé après la fin des guerres napoléoniennes, en 1815, lorsque la Grande-Bretagne domine les mers et accélère la révolution industrielle sur ses terres et ailleurs. Évidemment, les anglais regardent l’Amérique du sud comme une niche où tout est à faire. Toutefois, les conditions de la culture d’entreprise n'étaient pas vraiment appropriées pour le développement des entrepreneurs et des entreprises car le travail acharné, le profit et le succès avait encore une mauvaise réputation.

Le meilleur démarrage pour créer des liens sera le commerce comme point de départ. L'Uruguay, indépendant, exporte du bœuf séché, des peaux de bovins et de juments mais importe tout le reste. Les britanniques, eux, fourniront du fer, de la vaisselle, des plaques d'étain, des couverts, de la corde, de la bière, du charbon, des meubles, des parfums, des articles de sellerie, des outils, des machines, des bateaux de marchandise pour la location, etc.

Puis finalement, ils investiront le pays avec l’argent, le matériel, les ingénieurs et plus. Les entrepreneurs britanniques engagés dans le commerce extérieur vont prospérer rapidement. La plupart d’entre eux achèteront juste un terrain pour démarrer et deviendront des capitaines d'industrie ou deviendront des capitaines de services bancaires. Des audacieux!

En 1900, la communauté britannique en Uruguay, est petite mais très influente, étant plutôt fermé sur elle-même et présomptueuse. Les immigrés étaient de riches aventuriers ou pauvres mais pas vraiment de juste milieu. Des enfants arrogants mais ils sont agriculteurs, commerçants, chefs d'entreprise et techniciens, enseignants, membres du clergé ou sont du personnel en poste dans les Malouines en escale à Montevideo.

Étant donné qu'ils sont de religion anglicane, un temple sera construit pour eux. J'ai fait la présentation du Templo Inglés dans cet article du Montevideo d'Antan.
 

Industries

On trouve les noms de John Hall, les frères John et William Robertson, John Jackson, Samuel Fisher Lafone, de descendance d'une famille de Huguenot (photo à gauche), Stirling, Young, etc. Richard Bannister Hughes va contribuer à l'installation de l'usine d'extrait de viande Liebig à Fray Bentos en 1863 et c’est grâce à sa contribution que Liebig et l’Uruguay seront mis sur la carte du monde (voici mon article sur l’histoire de Liebig et des cubes de viandes OXO). En 1920, l’usine sera vendue à d’autres intérêts britanniques et l’usine sera baptisée Frigorífico Anglo (Les frigos anglais).

George Wilkinson Drabble, quant à lui, créera The River Plate Fresh Meat Company Limited, une société qui a installé le premier frigo industriel en Argentine à Campana (1883) puis à Real de San Carlos proche de Colonia del Sacramento (Uruguay) en 1884. Ces frigos feront l’exportation de viande de mouton. Toutefois, l'usine de Real San Carlos fermera ses portes en 1886 et la production sera concentrée en Argentine en raison des avantages fiscaux accordés par le gouvernement argentin (vous voyez que rien n’est nouveau dans les fermetures d’usines et les délocalisations de nos jours!).

George W. Drabble fera fortune aussi dans l’importation de marchandises britanniques et achètera de grandes étendues de terrains dans la pays. Il deviendra aussi président de la The London & River Plate Bank.


Ce sont les anglais qui introduiront les clôtures en Uruguay pour les champs car celle-ci étaient fabriquées en grande échelle en Angleterre et aux États-Unis. Les clôtures ont commencées à s’imposer vers les années 1860. Tout cela enfin de créer des enclos et parce que les producteurs y verront une meilleure gestion des troupeaux. Peut-être moins pour les Gauchos (deux articles: un et deux) qui y verront plus des entraves à leurs déplacements.

Transports

Un autre impact tout en étant un ajout très important en Uruguay sera la construction du réseau de chemin de fer grâce aux capitaux anglais et aux ingénieurs anglais. Le chemin de fer britannique a révolutionné le transport des marchandises et des passagers et des modes de production et de vie dans le monde. C’est grâce à eux que de nombreux pays se doteront de réseaux de chemin de fer comme l’Empire des Indes, l’Argentine, Hong-Kong, de nombreux pays d’Afrique, l’Uruguay, etc.

Les investisseurs britanniques construiront et exploiteront les chemins de fer et les tramways obtenu en Argentine et en Uruguay. Les britanniques deviendront les gestionnaires des chemins de fer avec la plus importante compagnie qui fut la Uruguay Railway Company Central (CURCC) qui existera de février 1878 jusqu'en janvier 1949. Ils auront un réseau de 1665 kms tout en possédant 170 locomotives et plusieurs milliers de wagons. On trouvera la Midland Uruguay Railway Co. Ltd avec 525 kms de lignes et qui existera de 1889 à 1949. La North Western Uruguay Railway Co. Ltd. avec 21 locomotives à vapeur et finalement la Northern Uruguay Railway Co. Ltd., la plus petite des quatre compagnies avec 5 locomotives et 144 kms de ligne



Un réseau qui terminera l’intégration du pays qui était divisé en deux par le río Negro (la rivière noire).

Depuis 1888, les britanniques avec leurs tramways hippomobiles sont également en concurrence avec d'autres sociétés, y compris celles à capitaux allemands comme La Transatlántica (filiale de la compagnie A.E.G.) qui occupe une part importante des transports en commun dans Montevideo. A partir de 1906, la Sociedad Comercial de Montevideo fondés par des capitaux britanniques, installera les tramways électriques dans la ville. Une société gérée par l'anglais John Cat. Voici un lien de l'histoire des trams mais c'est en espagnol: Histoire des trams.


Finance

Tout cet argent sera géré par des banques anglaises comme The London & River Plate Bank ou la Banco de Londres. Des institutions qui soutiennent et financent les projets de la communauté britannique. Il existe encore le bâtiment de la Banco Ingles dans la vieille ville qui actuellement est en rénovation (photo ci-dessous).  On trouvait jusqu’à récemment la Lloyds TSB Bank qui opérait dans le pays depuis 1862. Celle-ci s'installera en Uruguay en reprenant les actifs de la Banco de Londres, Buenos Aires y Río de la Plata. En 1918, la banque s’appellera la Banco de Londres y América del Sud pour devenir finalement la Lloyds Bank en 1973. Les actifs de la Lloyds ont été rachetés par la banque Suisse Héritage (Uruguay) S.A. en 2012.

la façade de l'ex Banco Ingles dans la rue Zaballa
Beaucoup de crédits obtenus par les gouvernements uruguayens durant les XIXe et XXe siècles viendront de la City de Londres. Des banques comme la Baring Brothers (fondée à Londres en 1762 et qui tombera en faillite en 1995) et la Glyn Mills & Co. (fondée en 1753 à Londres) seront des noms qui reviendront souvent dans le financement.

Services publics

La compagnie de télégraphe The River Plate Telegraph Co. (1866) reliera Montevideo à Buenos Aires et la  The Western Telegraph Company (1875) reliera Montevideo à l’Europe et le monde.

Les compagnies de téléphone britanniques ont commencé à fonctionner en 1881/1882. La pionnière en Uruguay fut la River Plate Telephone & Electric Light. Elle sera la première compagnie téléphonique dans le service public dirigée par Benjamin Dyer Maton (sa photo est à gauche). Ils utiliseront des téléphones Gower-Bell et une centrale sera installée dans le batiment de la bourse de commerce (édifice construit par l'architecte français Victor Rabu de la ville d'Agen). Mais elle sera nationalisée en décembre 1915 pour devenir un monopole d’État en 1931. La compagnie étatique Antel d'aujourd'hui fut créé sur les bases de ces compagnies anglaises.

Dans de nombreux cas, les services publics ont été bâties par des uruguayens mais a atteint son développement après l'entrée des capitaux britanniques et de ses administrateurs.

Le légendaire brésilien et grand capitaine industriel, Irineu Evangelista de Souza (la version anglaise de Wiki est plus fournie que la française), baron Mauá, en grave difficulté financière vers 1872 vendra ses actions de la Compañía del Gas de Montevideo ainsi que ses annexes. Cette compagnie fournissait du gaz pour l'éclairage public et privé. Les capitaux anglais prennent le relais avec la compagnie Gas Company & Dry Docks Ltd. Elle commencera sa longue carrière de près d'un siècle dans la ville et prendra fin en 1974 lorsque l'usine de gaz et ses services seront expropriés par l’État Uruguayen (ou plutôt la junte militaire de la dictature).


L’immeuble de la The Montevideo Gas Company Ltd est toujours aussi joli dans la vieille ville et on remarque le nom anglais sur sa façade qui est toujours là.


La société Fynn, Lezica et Lanús qui avait inauguré en 1871 la fourniture d'eau potable à Montevideo vendra en 1879 ses installations et ses droits à la compagnie britannique Montevideo Waterworks Co., qui va alimenter la capitale en eau jusqu'au début des années 50 avant la reprise du service par l'Etat. On peut apercevoir aussi le bâtiment blanc de la compagnie Montevideo Waterworks Co. Dans la vieille ville. Ce bâtiment a été entièrement rénové il y a une dizaine d’année.

Le batiment avant (vous remarquerez que les uniformes de la police me font penser à ceux de la police anglaise)
 

En 1866, les frères Henderson ouvrent la première boutique Tienda Inglesa au 1314 rue Cámaras (appelée aujourd'hui la rue Juan Carlos Gómez). Le premier magasin sera vraiment un tout nouveau concept et amènera le succès immédiat aux frères Henderson. Histoire d’amour car ce magasin s’est transformé en chaîne de supermarchés, toujours indépendante de nos jours. Voici leur site internet si vous êtes curieux de savoir ce qu'ils vendent. Chaîne de magasins égales à nos Géant Casino, Carrefour, Auchan français.

le premier magasin Tienda Inglesa
L'Uruguay fut le deuxième endroit où les investissements britanniques par habitant étaient les plus élevés en Amérique latine, juste derrière l'Argentine.

Santé

Une des traces les plus fragrantes qui existe toujours de nos jours en santé est l’Hospital Británico. Il a été érigé originalement sur le site de la maison de Manuel Sainz de Cavia en 1857 et il était connu comme le Foreign Hospital (hôpital étranger).

Le 24 juillet 1913 fut inauguré le nouveau siège de l'Hôpital britannique en face de l'avenue Italia, qui s'appelait alors Camino de la Aldea (chemin du village). A cette époque, l’hôpital comptait seulement 35 chambres alors qu’aujourd’hui, on en dénombre 130. Aujourd'hui, le conseil est toujours à majorité anglaise car on retrouve le president, Winston Willans, le vice-president, Martin Wells et le reste du conseil composé de Patrick Sherwood, Christopher Golby, Paul Beare, John Biscomb, Mark Fiarless.

Hospital Británico qui se trouve au niveau de Tres Cruces
Hôpital prive mais très réputé à travers le pays, parmi l’élite des uruguayens et les étrangers. Un service médical digne des grands hôpitaux de Paris, New-York, etc. Mais même s'ils sont privés, le gouvernement a son mot à dire dans certaines décisions comme de réserver des places aux personnes à faible revenu afin de passer des examens médicaux.


Le nouvel hôpital britannique représentera le dernier grand vaste projet de la domination de la gente anglaise en Uruguay.

L'influence britannique a commencé à décliner après la Première Guerre mondiale (1914-1918) alors que 50% des investissements en Amérique latine provenait du Royaume-Uni. Ensuite, les gouvernements successifs encourageront les capitaux américains à rivaliser avec les capitaux britanniques.

La deuxième Guerre Mondiale (1939-1945) finira d’éteindre ce flot étant donne que l’Angleterre sortait d’un conflit de six ans et laissera l'empire en ruines.

La dette britannique avec l'Uruguay pour les fournitures durant la guerre (17,5 millions de livres sterling) a été payée principalement par la vente des chemins de fer, des tramways et du service de l'eau potable, selon la Convention de 1947.

Mais les anglais continueront à avoir une influence en commerce comme les transports en commun qui seront équipés à majorité de matériel anglais (Leyland, Aclo comme celui-ce dessous qui a été rénové par des bénévoles) ou de camions (Bedford, Austin, etc..). J'ai un article sur ces camions que l'on croise toujours de nos jours sur les routes du pays: les camions.


Mais on peut dire que la langue et la culture françaises en Uruguay ont eu plus d'influence que l’anglaise, au moins jusqu'aux premières décennies du XXe siècle. Il existe quand même l’équivalent de nos Alliances françaises qui est le réseau de l'Instituto Cultural Uruguayo.

Savez-vous qu’il existe un cimetière anglais à Montevideo? A l’origine, le cimetière se trouvait a l’emplacement de l’imposant immeuble de conception architecturale communiste de l’Intendencia de Montevideo.

Sur la droite, on voit l'ancien emplacement du cimetière. Photo qui doit date de la fin du XIXe siècle


Au moment de la construction en 1931 du futur blockhaus de la mairie, on déménagea le cimetière à l’emplacement actuel qui se trouve dans le Barrio de Buceo. Il s’appelle le Cementerio Britanico et on peut se promener autour des tombes avec ses noms anglais. Photos ci-dessus et ci-dessous.



Mais il faut dire que le cimetière est absolument impeccable, gazon coupé, beaux massifs, entretien parfait…ce qui est pas mal diffèrent des autres cimetières de la ville (sauf le cimetière central).

Quelques photos de certains artefacts que j'ai remarqué avec des noms anglais.



Voila un petit tour de la présence anglaise en Uruguay fin XIX et du début XXe siècle. Aujourd'hui, on dénombre environ 700 britanniques qui sont recensés par l'ambassade d'Angleterre en Uruguay. Plus de douze milles anglais viennent visiter l'Uruguay chaque année car l'Uruguay a fait une campagne publicitaire dans les rues de Londres en 2012.

See you later!

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