vendredi 6 juillet 2012

Barrio: Capurro

En fouillant régulièrement les archives de photos en noir et blanc de Montevideo pour pouvoir vous présenter les différents quartiers de cette ville, je me suis aperçu à maintes reprises que le Parque Capurro (parc Capurro) revenait souvent dans ces photos comme lieu de détente pour la population de Montevideo, surtout la bourgeoisie. On y voyait une jetée avec un ponton, de gros massifs de fleurs et plein d'arbres, des statues, etc. Bref, un lieu de recréation avec vue sur le fleuve desservi par le tramway de cette époque.

Après avoir repéré ce parc et ce quartier du même nom sur la carte, car il ne fait absolument pas parti des guides touristiques, j'ai décidé de prendre le bus afin de visiter cet endroit magique sur les photos du XIXe et du XXe siècle pour en déterminer si on pouvait toujours en parler comme ceci aujourd'hui.

Histoire du parc

En vérité, l'origine et l'histoire de ce parc sont assez tristes car cet emplacement fut le lieu de campement et de rassemblement des esclaves noirs envoyé d'Afrique par les espagnols. Le premier bateau rempli d'esclaves partant de la côte de Guinée arriva à Montevideo à partir de 1743. Vers 1787, le conseil municipal de Montevideo, par crainte de contagion des maladies que ces gens pourraient disperser dans la ville obligea une de ces compagnies à construire des ''habitations'' pour ces esclaves au niveau de l'embouchure du ruisseau Miguelete. Un lieu assez distant de la ville mais sans aucun risque pour le public.

Après l'abolition de l'esclavage et l'abandon des baraques, cet emplacement servira pour le siège de Montevideo et deviendra un lieu de rassemblement des troupes de la ville entre 1811 et 1814. En 1814, cet endroit servira de logement temporaire aux troupes jusqu'en 1816. En février 1816, par ordre du conseil municipal, le lieu sera inspecté mais on le trouva dans un état lamentable.

En 1902, la municipalité démolie les ruines du lieu de garnison ainsi que les anciennes maisons des esclaves (enfin ce qu'il en restait après le pillage de ces baraques) qui fut surnommé le ''Hameau des noirs''. Par la suite, le quartier et l'endroit furent développés par un marin marchand du nom de Juan Bautista Capurro. Juan B. Capurro était un immigrant italien provenant de la localité de Voltri, proche de Gênes, qui arriva dans le pays dans les environs de 1829 plus ou moins.

L'installation des lignes de la Compagnie de Tramways (tramways tirés par des chevaux) dans les quartiers de Passo del Molino et Cerro à partir de 1869 allait avoir une influence importante sur la destination de la zone. En 1900, cet emplacement fut popularisé comme zone balnéaire avec la plage Capurro ainsi que les ''Casas de baños'' (maisons de bains). Des maisons de bains jusqu’à la plage, il existera un service de chariot qui amènera les vacanciers directement dans l'eau et vice-versa, ce qui à cette époque, était assez moderne. La station balnéaire acquiert son importance à ce moment là et les familles partant de la ville utilisèrent les tramway pour arriver sur Capurro. En 1906, le tramway sera électrifié, ce qui facilitera encore plus l’accès vers le quartier de Capurro mais surtout vers le parc.


Quelques temps après, une ligne de bateau à vapeur s'établira au port du Cerro. En été, le petit bateau faisait une navette aller-retour entre le Cerro et le quai de Capurro. Le billet du port du Cerro coûtait "2 reales" mais de Capurro, seulement la moitié.

Plage de Capurro
En 1910, Esteban A. Elena, directeur général de "La Transatlántica " (compagnie de tramways) poussera à la création d'un parc moderne et d'un cadre adéquat architectural d'une station balnéaire. On construira des terrasses, des terrains de tennis, des pistes de danse et de patinage en prenant comme référence les grands centres balnéaires européens. Pour ce projet, l'architecte italien Veltroni et l'alsacien Jules Knab se chargeront des plans. L'ingénieur paysagiste Charles Racine se chargera des arbres, des kiosques, des plates - bandes, etc..

La Belle Époque
Sa splendeur se maintiendra jusqu'à la décennie des années trente, date à laquelle la station balnéaire de Capurro commencera a être délaissée au profit des plages du sud de Montevideo (Pocitos, Malvin, Carrasco) ou celle du reste du pays (Rocha, Punte del Este, etc) dans les préférences du public.

Qui était Juan Bautista Capurro?

Je vais parler un peu de ce personnage car vous verrez des rues, des bâtiments et le quartier avec ce nom. Juan Bautista Capurro décédera le 27 novembre de 1872 tout en ayant accompli une gestion importante patronale pour la nombreuse collectivité italienne de son pays. Sa dépouille fut renvoyée en Italie dans le bateau "Speranza".

Il a aussi fait partie du groupe fondateur de la Banco Italiano, El Ferrocaril Central (ligne de trains), l'Hôpital Italien (Ospedale italiano Umberto I) et la Compañía de Aguas Corrientes (Compagnie des eaux) sur Montevideo.

Les activités de ses enfants Juan Alberto et Luis Federico, furent des pionnières en ce qui concerne la destination industrielle du quartier Capurro. En effet, les deux frères fondèrent une société de fabrique d'amidon ainsi qu'une distillerie d'alcool. Il fondèrent aussi la Cervecería Germania (brasserie allemande) ce qui peut paraître bizarre de la part de descendants italiens! Aujourd'hui, bien entendu, tout cet empire industriel a disparu.

Aujourd'hui, le parque Capurro n'est plus que l'ombre de lui-même. On a vu que ce parc commença à perdre de son prestige vers les années 30 mais ce parc a été achevé avec le passage de la route 1 et la Rambla Dr. Baltasar Blum entre les anciennes plages qui sont devenues de véritables dépotoirs et le parc lui-même. Il n'existe plus de connexion avec le fleuve comme avant.

Voici deux photos que j'ai essayé de prendre du même angle mais à deux époques différentes.

La photo d’époque vers les années 1915-1916


Et aujourd'hui en 2012


De ce parc, il ne reste plus que les murs principaux qui montrent le somptueux du passé. Une fontaine survivante trône au milieu du soit-disant parc mais elle est asséchée depuis des années. Un parc mal entretenu, défiguré aussi pas un théâtre en béton, des escaliers qui crient au secours car l’état n'est pas fantastique et la myriade de graffitis. Bref un parc totalement laissé à l'abandon. C'est pour cela qu'on n'en parle pas du tout dans les guides touristiques car il n'y a plus rien du passé. Par contre, je ne m'aventurerais pas dans ce parc le soir.



Quand au quartier de Capurro, tout en n'ayant pas arpenté la totalité du quartier, il est simple et sans chichi à part quelques grandes maisons que l'on retrouvera proche de l'Avenida  Agraciada qui sont de style architecturale italien avec un soupçon de style espagnol. C'est un quartier modeste de classe moyenne avec certaines poches de pauvreté.

Quelques photos de maisons et du quartier de Capurro aux grès de mes pas

Le club social de Capurro



Voici, ci-dessous, une photo des anciennes plages de Capurro aujourd'hui, ce qui est assez dégoûtant quand on voit les anciennes photos du début XXe siècle. Cela serait bien si la mairie et les citoyens pouvaient nettoyer cela....


Sommaire: Si vous voulez aller voir de vous-même, le quartier ainsi que le parc sont desservis régulièrement par le transport collectif. Ce n'est pas un quartier extraordinaire qui vous marquera à vie, loin de là!

A la prochaine visite.

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